La magie des Terres Sauvages

En continuité de mon dernier article, j’avais envie de fouiller du côté de la magie féérique qu’on trouve dans Bilbo le Hobbit. J’ai écrit ma thèse sur la magie dans le Seigneur des Anneaux, aussi ça m’intéressait de voir ce qu’on pouvait tirer à partir du texte du premier livre.

Qu’entend-on par « magie » ?

Car ceci est ce que votre peuple appelle de la magie, il me semble. Mais je ne sais pas vraiment ce que ça signifie ; et il me semble que ce mot soit aussi utilisé pour désigner les tromperies de l’Ennemi.

Dans le D&D classique, on part du principe que le monde se conforme aux lois de Newton et du rationalisme scientifique, sauf quand la magie fait son apparition. Les joueurs interagissent avec la magie par deux moyens : (1) les sorts et (2) les objets magiques. Les deux semblent annulés par des champs anti-magiques ou autres. (Ces termes peuvent avoir été un peu écartés dans les éditions postérieures de D&D : dans la 4ème édition, quelqu’un qui balance une boule de feu l’utilisera comme une attaque de classe de base).

Dans un univers comme les Terres Sauvages, un monde sans sortilège ou artefact ne se comporte pas nécessairement comme notre monde. Les animaux parlent leur langue. Des forêts entières sont enchantées, sans parler de leurs habitants. Est-ce qu’un troll se change en pierre par magie ou de manière naturelle ? Les termes se confondent et se mêlent.

C’est pour cela qu’on dit que les Terres Sauvages sont fantastiques, même si elles sont « faiblement magiques ». Pour sûr, Gandalf lance autant de sorts qu’un magicien de premier niveau sorti de la Boîte Rouge, mais le monde de Bilbo transpire le folklore et les légendes. C’est un espace satisfaisant pour y installer un cadre de jeu de rôle. Les éléments y sont mystérieux, magiques, uniques, mais jamais modernes, prévisibles ou scientifiques.

Mais comment émule-t-on ceci ? Tout d’abord, essayons d’extraire les éléments de magie existants dans le texte utilisables en terme de jeu.

Les objets enchantés

« Gandalf, Gandalf ! Bonté divine ! Serait-ce le magicien errant qui avait offert au Vieux Took une paire de boutons de manchette en diamant qui s’attachaient toutes seules et se défaisaient uniquement sur commande ? »

Je ne sais pas comment vous dire à quel point les objets magiques m’ont ennuyé alors que je jouais à Pathfinder du niveau 1 au niveau 20. Le paradoxe de Monty Hall était carrément intégré au système ! Si vous n’aviez pas un objet magique pour chacun de vos « emplacements », c’était comme un signal pour dire « vous jouez mal ». Chaque personnage étincelait comme un arbre de Noël, et avait l’air aussi ridicule qu’un toon de WoW avec un équipement dépareillé. D’une certaine façon, les objets magiques des Terres Sauvages évitent superbement cet écueil.

Des armes comme Dard au cocasse (original ! dingue !) anneau d’invisibilité de Gollum, les objets magiques sont d’abord fréquents, mais ont aussi un intérêt. Tout d’abord parce que les Terres Sauvages ont une histoire profonde et chaque objet magique est une trace de cette histoire. Ce sont des clés pour les légendes.

Je pense qu’il est important d’isoler ici les objets prodigieux au sein de ce groupe. Est-ce que l’Arkenstone est magique ? Cela dit, donne-t-elle des capacités magiques à son propriétaire ? Puisque le texte ne le dit pas, je dirai que non. Et en même temps, il s’en dégage une aura de magie. De la même manière, la technique d’écriture de lettres-de-lune ne sont pas explicitement du ressort de la sorcellerie, mais sont si proches de la magie qu’elles en deviennent indiscernables.

Voici une liste des objets enchantés dans le texte :

Pour rester pertinents, les objets enchantés doivent suivre les critères suivants :

Utiliser les objets magiques

Les personnages principaux (Bilbo, Gandalf, Thorin) reçoivent chacun un ou deux objets magiques pendant leur voyage. Je suppute que l’accumulation d’objets magiques est une récompense de montée de niveau. Ils se définissent comme une nouvelle spécificité de classe.

Règle : Au lieu de gagner un niveau, vous pouvez réclamer un objet enchanté. Le MJ le mettra dans le trésor d’un ennemi récemment vaincu ou bien dans les mains d’un PNJ-mentor qui vous le donnera en récompense. Utilisez alors la règle d’identification du post précédent.

Objection ! Attendez, mais le MJ ne peut pas semer d’objet magique dans le trésor qu’il prépare ? On ne les obtient qu’en montant de niveau ? Et si ça avait du sens que le gobelin avait dérobé la hache magique du roi des Nains, et que les joueurs se risquent à la récupérer ? Devraient-ils « dépenser » un niveau pour l’avoir ?

Eh bien, non. Le MJ peut saupoudrer des objets enchantés dans le monde. Il peut aussi disperser des potions de « Montée de 1 niveau ». Ces objets doivent être aussi fréquents et aussi puissants. Objection rejetée !

Objection ! Les objets sont différents des spécificités de classe. On peut perdre un objet, on ne peut pas perdre une capacité spéciale. Comment les rendre équivalents ?

Eh bien, en fait… C’est un conseil que je tiens de Arnold K ; on peut menacer n’importe quelle section d’une feuille de personnage. Une ceinture de changement d’alignement peut altérer votre alignement. La malédiction d’une sorcière peut altérer votre race ou votre genre. Le baiser d’un vampire peut altérer les motivations de votre personnage. Une hache de mutation peut modifier l’apparence de votre personnage ou même, et oui, vos capacités de classe.

Les objets peuvent être perdus ou volés aussi fréquemment que vous le sentirez, dès lors qu’altérer la nature d’un personnage vous paraît adapté. Et, comme pour tout, ces désagréments peuvent être renversés. Les malédictions sont exorcisées, les objets perdus sont retrouvés. Objection rejetée !

Sorts

Les Nains de jadis lançaient de puissants sorts
Alors que leurs marteaux frappaient la forge comme des cloches

Le terme « sort » n’apparaît pas fréquemment dans le Hobbit. Voici ses occurrences :

Ok. Donc il semble que le mot « sort » correspond aux « rituels de protection », l’enchantement d’objets, la découverte de mots de commande pour une porte magique, et les démonstrations de pouvoir pour les Elfes et les dragons.

Si les démonstrations de pouvoir elfique et draconique peuvent être pris pour des sorts, on peut alors ajouter ce qui suit à la liste :

Lancez des sorts

Il y a tellement de formes différentes pour les sorts. D’un point de vue du jeu, il semble que les sorts sont omniprésents - et il n’est pas fait mention de désagrément ou de limitation.

Je propose que les jeux des Terres Sauvages utilisent un système de définition des sorts à trois niveaux : les sorts mineurs1, les enchantements et les runes.

Ce système est inspiré par Beyond the Wall. Ce jeu est probablement mon jeu OSR préféré parce qu’il a une ambiance de folklore parfaitement évoquée. C’est un exemple superbe de règles qui entraînent une expérience de jeu spécifique.

Sorts mineurs

Ensuite, les anneaux de fumée de Gandalf tournèrent au vert et revinrent survoler la tête du magicien. Il avait déjà une nuée tout autour de lui, et dans cette faible lumière elle lui donnait un aspect étrange et surnaturel.

L’art magique la plus basique est appelée « sort mineur. » Les sorts mineurs sont des manifestations inférieures de l’art de la sorcellerie, comme lorsque Gandalf utilise ses pouvoirs sur les anneaux de fumée de Bilbo ou quand les Elfes éteignent brusquement les lumières de leurs festins.

Vous pouvez lancer n’importe quel sort mineur quand vous le voulez. C’est une capacité magique mineure que vous possédez.

J’ai peut-être une opinion pointilleuse sur ce qui peut être un sort mineur ou ce qui ne l’est pas (Lumière ? Non. Créer de la nourriture ou de l’eau ? Absolument pas). Mais c’est au-delà de l’objectif de cet article de définir une liste sur mesure ; la liste des sort mineurs de Beyond the Wall devrait suffire.

Enchantements

Pas pour Gandalf. Le hurlement de Bilbo avait eu un effet positif. Il l’avait réveillé en une fraction de seconde, et quand les gobelins avaient voulu le capturer, il y eut un éclair terrifiant, comme un coup de foudre dans la caverne, accompagné d’une odeur de poudre et plusieurs gobelins succombèrent.

Un enchantement est une manifestation de pouvoir magique qui nécessite des composants ou une mixture d’énergie arcanique. Un enchantement équivaut grossièrement à un sort du premier niveau de D&D. Le sort de Sommeil donne une bonne indication du niveau de puissance.

Les enchantements ont besoin de composants consommables pour être lancés. Chaque lancer de sort consomme un composant. Tant qu’il a des composants à disposition, le magicien peut lancer autant d’enchantements qu’il souhaite.

Chaque enchantement peut nécessiter un composant particulier. Par exemple, le composant du sort de Sommeil peut être une pincée de sable de rivière ramassée sous la lumière des étoiles, tandis que le composant de l’Ouverture des Portes peut être un clou de fer sur lequel est gravé une rune distinctive.

Les magiciens devront tenir à jour leur inventaire. Chaque composant prend un emplacement d’équipement (j’imagine qu’on peut utiliser une règle d’encombrement à la Lamentations of the Flame Princess).

Rassembler les composants dans les Terres Sauvages devrait être similaire à l’action de chasser. Si chasser prend un hexagone, ramasser les composants d’un sort prend également un hexagone. Faites un test de Sagesse pour trouver les composants dans la nature. Sur un succès, vous récupérez 1d4 + bonus d’Int composants au choix du Magicien.

Runes

« Ils n’avaient pas été fabriqués par un troll, ou par un forgeron de cette partie du monde ou cette époque ; mais quand on savait lire les runes qui s’y trouvaient, on en savait plus sur ces objets. »

Les runes de pouvoir sont l’expression la plus puissante de la magie. Ils ont des effets manifestes comme la création d’objets magiques ou la dispersion d’enchantement sur une surface étendue. Graver des runes sur du bois, du métal ou de la pierre demande du temps, des outils et une main habile.

Les runes de pouvoir, contrairement aux sorts mineurs ou aux enchantements, ont des niveaux. Vous pouvez uniquement maîtriser les runes de votre niveau ou inférieur. Inscrire une rune nécessite un nombre d’heures égal au niveau de la rune.

Quand vous utilisez une rune, faites un test d’Intelligence ou de Sagesse (le rituel en question indiquera quelle caractéristique utiliser). En cas de succès, le rituel est accompli. En cas d’échec, un retournement de situation ou un danger associé à l’effet initial surgira.

D’autres jeux, comme la 5ème édition ou Beyond the Wall, peuvent appeler ce degré de magie « rituelle ». C’est à peu près du même tonneau. Pour la liste de sorts, j’utiliserai celle des rituels de Beyond the Wall. Mais en fait, n’importe quel sort de D&D fera l’affaire. Si vous voulez lancer le Vol - vous pouvez - mais il vous faudra accomplir un long rite de magie runique.

Original : http ://riseupcomus.blogspot.com/2017/10/the-magic-of-wilderlands.html


  1. je traduis par « sort mineur » l’expression « cantrip » (note de la traduction).